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Le Sanctuaire

Armer, viser, tuer: voilà ce pour quoi je suis programmée. Voilà ce qu'il faudrait faire. Pourtant, quelque chose en moi résiste. Je voudrais garder mes mains le long de mon corps, admirer le tracé de l'oiseau, ce lent carrousel dirigé par d'imperceptibles mouvements de plumes, j'aimerais attendre cet instant où l'aigle va replier ses ailes, crier avant de piquer sur sa proie, pointe de flèche à laquelle aucune cible de peut réchapper. J'aimerais le voir crocheter la marmotte au collet avant de lui briser les vertèbres. Le voir achever sa victime d'un seul coup. Mais j'ai trop tardé, l'aigle fond sur nous. Papa jure. Dans mon dos, du bruit: la vanne d'essence, la gâchette d'allumage. C'est une folie. Tout juste ai-je le temps de m'écarter que le canon vomit une gerbe grasse.

Laurine Roux, p.43-44

Autrice: Laurine Roux
Editeur: Les Editions du Sonneur
Année: 2020
147 pages

Contemporain - Science-Fiction Post-apocalyptique

Quatrième de couverture:

Le Sanctuaire: une zone montagneuse et isolée, dans laquelle une famille s’est réfugiée pour échapper à un virus transmis par les oiseaux et qui aurait balayé la quasi-totalité des humains. Le père y fait régner sa loi, chaque jour plus brutal et imprévisible.
Munie de son arc qui fait d’elle une chasseuse hors pair, Gemma, la plus jeune des deux filles, va peu à peu transgresser les limites du lieu. Mais ce sera pour tomber entre d’autres griffes: celles d’un vieil homme sauvage et menaçant, qui vit entouré de rapaces. Parmi eux, un aigle qui va fasciner l’enfant…
Dans Le Sanctuaire, ode à la nature souveraine, Laurine Roux confirme la singularité et l’universalité de sa voix.

Mon avis:
Si j'ai lu ce livre, c'est parce qu'il fait partie de la sélection du "Prix du Marque-Page 2021" organisé par mon réseau de médiathèques. Sans cela, je pense que rien de m'aurait attirée vers cet ouvrage.
L'écrit est très poétique, les phrases sont courtes, donnant du rythme et du dynamisme au récit. Le vocabulaire est riche, varié, précis. Parfois un peu trop à mon goût, car les synonymes se succèdent à un rythme effréné pour nommer un même objet, alors que l'usage de quelques pronoms aurait pû alléger un peu le texte et le rendre plus clair, plus lisible.
J'ai la sensation que la recherche de figures de style et le désir d'avoir une écriture poétique a primé sur le soin porté à la narration, et à de nombreuses reprises, je me suis demandée ce que les phrases signifiaient. L'intérêt, ainsi, c'est que les lectures sont multiples, et que l'on peut faire dire au texte bien plus de choses que ce qui est textuellement dit. Le texte est riche et travaillé, soigné, chaque mot semble avoir été choisi avec le plus grand soin.
Cependant, je n'ai pas vraiment appréciée ma lecture. Les personnages ont chacun une part de noirceur profonde. Les scènes de chasse sont décrites avec une précision écoeurante, et je ne parle pas de la folie des hommes et de leur obscénité. Je ne suis pas du genre prude, mais j'ai besoin tout de même d'une prise de position franche de l'auteur par rapport à certains évènements, que je n'ai pas vraiment senti. Pour moi, l'auteur montre l'horreur des hommes, sans jugement, comme un état de fait. Les êtres humains sont horribles, ce sont des monstres, c'est comme ça, on ne peut rien y faire.
Je n'adhère pas du tout à cette vision sombre et définitive de l'humanité, et en ce moment, j'avoue y être même plutôt réfractaire. Je comprends que de nombreux lecteurs soient séduits par ce roman, mais en ce qui me concerne, non, je n'adhère pas. Heureusement qu'il est court, sans quoi j'aurais fait comme avec "La bête humaine" de Zola, que l'on m'a obligée à lire au lycée: j'aurais abandonné en cours de route, car ce genre de discours ne m'intéresse aucunement. Mon plaisir de lire est ailleurs, pas dans ce style de romans très sombres.

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