29 Juillet 2020
Depuis deux jours, il ne mange plus. Il a mal à la tête, mal au ventre, mal au coeur, aux mains, aux pieds, mal partout. Un petit tas de mal. Qui se ratatine et se concentre. Il ne dit rien, pourtant. Rien ne sort de sa bouche fermée, double fermée, triple bouclée. Il le sait, on ne doit pas parler. D'abord parce que ça ne sert à rien et puis, les mots, c'est traître. On croit qu'on dit un truc et c'est tout autre chose que ça veut dire. Vaut mieux la bouche cousue. Et penser dans sa tête.
Mais quand on a mal, vraiment mal, les mots se tordent en même temps que le corps. On reste vidé et troué et tordu avec des tourbillons dans les veines. Pour ne pas se laisser emporter, il ne bouge plus. Pas un millimètre de mouvement. Il reste dans son lit. Qui n'est pas son lit.
Autrice: Rachel Corenblit
Editeur: Rouergue
Collection: doado
Année: 2018 (première édition: 2007)
ISBN: 978 2 8126 1690 7
142 pages
12,80€
Jeunesse - Historique
Quatrième de couverture:
Camille et Chaïma se rencontrent dans un hôpital, à Toulouse. L'une est au chevet de sa grand-mère, l'autre de son grand-oncle.
Elles sortent en même temps respirer dans le couloir. Elles rient, elles parlent. Elles ne savnt pas encore que ce qui les lie, elles et leur famille, c'est une histoire qui a commencé il y a longtemps, dans les années 1940. Ou plutôt 4 histoires, celles de Léah, Oumaïma, David et Yashin. L'un se cachait dans un petit village de France. Les deux filles se terraient dans une cave à Jérusalem, tandis que le dernier était en route vers un camp de réfugiés, en Cisjordanie.
Le destin, la fatalité, le mektoub, on peut ne pas y croire. Mais entre Camille, d'origine juive, et Chaïma, d'origine palestinienne, ce jour-là, à Toulouse, il s'agit plus que d'une simple rencontre. Elles vont se raconter leur histoire familiale, par-delà leurs différences, par-delà les haines et les souffrances.
Mon avis:
C'est au détour des rayonnages de ma médiathèque que j'ai rencontré ce livre. Ce regard sur la couverture. Ces enfants cachés, qui s'effacent, disparaissent. Et une porte que l'on ouvre. Puis le titre, et enfin le thème: le conflit Israëlo-Palestinien. Très vite, je me suis attendue à une belle rencontre, à un vrai coup de coeur. Je ne suis pas une passionnée du sujet, très complexe à mes yeux, et j'ai pensé assez naïvement que ce livre me prendrait aux tripes. En général, j'ai l'émotion facile, je pleure et je ris souvent en lisant. Mais là, je suis restée de marbre.
Vous l'aurez compris, non seulement ce n'est pas un coup de coeur, mais en plus, je n'ai pas aimé du tout du tout. J'ai même fini par abandonner ma lecture en cours de route, pour plusieurs raisons.
La première, c'est parce que je n'ai pas pu m'immerger dans cette histoire, que je n'attendais rien de la suite, que tout était plat, et que je lisais 5 pages avant de piquer du nez.
La deuxième, c'est la construction du roman qui est particulièrement décousue. Pour preuve, voici le début du roman:
- Léah, Jérusalem, février 1948 (2 pages et demi);
- Oumaïma, Jérusalem, vieille ville, quartier arabe, 29 novembre 1947 (2 pages et demi);
- David, Chinchilianne, village sous le plateau du Vercors, juin 1943 (3 pages);
- Yashin, Ein Zeitoun, village près de la ville de Safed, Galilée, octobre 1948 (3 pages);
- Camille, Toulouse, juin 2006 (7 pages);
- Léah, Jérusalem, février 1948 (2 pages et demi)...
Cela continue sur ce rythme tout au long du roman, à faire une gymnastique du cerveau, pour tenter de se repérer dans le temps et dans l'espace. Alors, quand on ne connait rien à l'histoire Israëlo-Palestinienne, autant vous dire qu'on y comprend rien et qu'on passe plus de temps à essayer de situer chaque évènement les uns par rapport aux autres qu'à s'intéresser vraiment aux personnages. J'avais l'impression de jouer à saute-moutons perdue dans une faille spatio-temporelle. Je ne comprends pas le choix éditorial... C'était si compliqué de mettre une petite carte pour aider les lecteurs à localiser les personnages? Et une frise chronologique, histoire de préciser quelques évènements importants et fondateurs pour nos personnages? Il ne faut pas oublier que ce roman s'adresse à des ados! Et à 15ans, les gamins calés en histoire sur le conflit Israëlo-Palestinien, ils ne courent pas les rues! Alors, un petit coup de pouce pour palier à nos connaissances défaillantes n'aurait pas été du luxe!
- En découle donc la troisième raison: je n'ai pas pu m'attacher à un seul des personnages. On passe si peu de temps en continu avec l'un ou l'autre qu'on ne parvient à en connaitre aucun. C'est dommage, car l'écriture est plutôt intéressante et captivante, et dès la première page, je me suis dit que ça allait me plaire. Mais non. Impossible. J'ai eu beau essayer, je n'arrivais même pas à mémoriser leurs noms, leur ville et leur religion (puisque c'est quand même le sujet du livre...). Et quand, une petite dizaine de pages après, quand on a eu croisé 5 autres personnages (puisqu'à Camille s'ajoute Chaïma, mais dans les mêmes chapitres, encore heureux...), on revient sur le personnage de départ, on ne sait plus ce qu'il a fait avant, qui était sa famille ou son contexte de vie. Et à peine on commence à avoir une idée que déjà, on zappe sur un autre perso... Donc, en toute logique, à force de zapper, j'ai fini par zapper le bouquin tout court.
Quelques points positifs malgré tout:
- J'ai aimé la plume de Rachel Corenblit, ses phrases, courtes et percutantes, rythmées, qui sonnent "vrai":
"On lui a rasé les cheveux à cause des poux.
Saleté de merde, elle se dit, merde de merde et vie de merde et rien pour la rendre belle. Rester enfermée dans la cave pendant que ça explose et que tous, ils s'envoient des balles dans la tronche."
- J'ai aimé les destins croisés qui montrent que la souffrance est le lot de tous, comme la peur, quel que soit le côté de la barrière. Un point de vue humaniste qui ne diabolise ni les uns ni les autres, et permet de passer d'un point de vue à un autre, parce qu'au final, quelle que soit notre histoire ou notre religion, nous sommes tous humains.
Je ne vous conseille donc pas cette lecture, à moins que vous n'aimiez lire en prenant des notes, en faisant des tableaux avec les caractéristiques des persos, en faisant des recherches pour situer le contexte historique de chacun, en épluchant des cartes pour situer les personnages les uns par rapport aux autres. Si vous n'aimez pas faire tout ça, alors, passez votre chemin. C'est regrettable, pour un livre aussi prometteur, avec une couverture aussi belle et un sujet aussi passionnant, d'autant plus quand on sait que l'autrice s'est inspirée de l'histoire de sa propre famille pour l'écrire. Je suis passée complètement à côté.
Mais, si malgré tout, vous avez envie de vous lancer le défi et de lire ce roman, votre avis m'intéresse, d'autant plus si vous l'avez aimé! :)